Apprendre à Déléguer
Quand on est dirigeant d'entreprise, il est parfois difficile de déléguer.
On n'y pense pas toujours... cet article devrait pouvoir y remédier, notamment pour identifier quand c'est approprié. Mais ce n'est pas tout.
Emotionnellement ce n'est pas toujours évident. Et il y a des raisons, même si ce ne sont pas forcément celles auxquelles on penserait en premier lieu.
Et puis même quand on y arrive, il reste deux questions qui piquent : à qui, et comment.
Quand Déléguer
La limite dure
La plupart des gens pensent que la ressource la plus rare, et donc la plus limitante, est l'argent. En fait c'est l'énergie. On ne peut se consacrer à compenser des circonstances ou à en créer de nouvelles que dans la mesure de nos limites, nerveuses et mentales. Entre cette limite d'énergie, l'instinct de routine, son Ego, celles des compétences nécessaires qui sont effectivement mobilisables, et les circonstances qu'il va affronter ponctuellement (si ce n'est pas ponctuel, c'est une dépense qui pourrait être évitée), un dirigeant va tendre à limiter son investissement dans l'évolution de son entreprise. Cette limite finit immanquablement par faire surgir une barrière "dure" que l'entreprise rencontre : insuffisance de temps, insuffisance de recul, insuffisance de développement commercial par rapport aux besoins, insuffisance de trésorerie, insuffisance de management...
Pour moi la limite "dure" que l'on rencontre est le symptôme manifesté par un problème constaté mais qui provient d'une des limites en amont : énergie, routine, Ego,compétences manquantes, circonstances non résolues.
Vous pouvez anticiper avant de commencer à perdre de l'argent en évaluant votre niveau d'effectivité dans ces différents domaines, qui sont des indicateurs fabuleux. Plus vous vous sentez limité(e), plus vous percevez de stress ou vous ressentez de pulsion, et plus vous avez intérêt à déléguer.
Et toutes ses origines peuvent être évitées en déléguant. C'est donc un indicateur particulièrement révélateur de la nécessité de déléguer.
La valeur horaire
Le diagnostic de l'agenda d'un dirigeant est particulièrement parlant sur l'urgence pour lui de déléguer.
Listez les 10 choses qui vous enrichiraient le plus à moyen terme. Une fois que c'est fait listez les 10 choses auxquelles vous passez le plus de temps. Vérifiez dans votre agenda.
C'est déjà parlant, n'est-il pas ?
Allons plus loin. Attribuez une valeur horaire à chacune de vos principales activité. Prenez le tarif horaire de votre comptable, le profit du dossier commercial divisé par le temps que vous y aurez passé au total, le coût horaire d'un stagiaire... Soyez impitoyable sur la valeur équivalente à la compétence requise... vous allez voir que beaucoup de vos activités pourraient être déléguées.
C'est parfois difficile d'avouer qu'on n'est pas indispensable. En fait passée la phase d'amorçage de l'entreprise, ce seuil ou vous pouvez survivre indéfiniment avec un minimum de croissance, vous avez intérêt à devenir remplaçable au plus vite.
On pourrait se dire que vous avez besoin que certaines choses soient bien faites, et cela fait que vous y passez des demi journées chaque semaine. C'est vrai, vous en avez besoin. En fait, le contrôle utile sur ces activités vitales (comme votre facturation, vos recrutements ou votre pipe commercial) pourrait se résumer à un point de 20 minutes avec une personne qui s'en occuperait pour vous, interne ou externe.
Contrôle
L'utilité de déléguer va aussi apparaître quand vous n'avez pas sous contrôle tout ce qui est important : les fonctions vitales de l'entreprise (commercial, facturation, production, dépenses...), la croissance, les projets majeurs.
A mon sens, c'est le cas lorsque vous n'avez pas :
- Une remontée systématique des risques de plus de 1% sur la fonction et son périmètre financier
- A passer plus de 20 minutes par semaine sur chacun des périmètres pour savoir ce qui est utile (notamment la capacité à prendre des décisions entre plusieurs options dûment instruites)
A qui déléguer
Ma réponse va être relativement simple ici mais valable dans tous les cas: à un responsable fiable de par sa compétence et sa motivation pour le périmètre, capable de couvrir ce périmètre avec son niveau de stabilité actuel.
A partir du moment où la personne va être effectivement redevable des résultats et effectivement motivée à les obtenir, vous avez juste à vous assurer de deux choses : que ces objectifs soient clairs, et qu'elle vous remonte les alertes.
Je reviendrai vraisemblablement dans un autre article sur les qualités réellement nécessaires pour certains profils clés – directeurs, managers, responsables de projet, maintenant ce qui est vital c'est cette fiabilité, la réalité de ses racines : compétence motivation, et contexte effectif.
Comment déléguer
Pour reprendre un principe cher à Tim Ferris et aux auteurs du "One Minute Manager", écrivez. Résumez simplement en Français en une phrase la mission que vous confiez.
Un élément fondamental à mon sens s'ajoute à cette définition écrite : précisez un seuil de délégation, en-dessous duquel vous ne voulez pas entendre parler du problème. A partir du moment où le montant de ce seuil risque d'être dépassé, en une fois ou à la longue, la personne doit vous le remonter.
Pourquoi déléguer
J'aurais pu commencer par là... mais je trouve que c'est plus impactant ici... l'importance de la chose devrait vous donner la motivation pour vous poser la question.
En effet, le défaut de délégation a un coût astronomique, et principalement invisible.
- Le temps que vous passez à micro manager ou ne pas gérer parce que votre capacité est dépassée a un coût réel et un coût d'opportunité. Reprenez vote agenda, et calculez ce que votre défaut de délégation vous a effectivement coûté et ce qu'il aurait pu vous rapporter au final rien que sur le mois dernier.
- Passée la phase d'amorçage de l'entreprise, ne pas mettre la société en mode apprentissage limite sa croissance. Les personnes qui auraient dû apprendre à faire à votre place ne deviennent pas compétentes, et la capacité de gestion de votre entreprise ne progresse pas, sa Valeur Ajoutée non plus. La plupart des entités (pas seulement des entreprises) qui ne dépassent pas le seuil des 15-35 personnes sont bloquées à ce stade.
- Il y a un impact direct sur le travail de vos employés. D'une part, leur motivation est fatalement affectée, du sentiment d'impuissance ou d'incompétence au ressentiment pour le manque de confiance voire l'infantilisation (à juste titre ou pas), à la perte d'enthousiasme car rien n'est effectivement à leur portée. D'autre part le micro management ou ses formes moins graves limitent les processus et donc leur propre productivité.
- Comme tout Cône d'Ombre, le défaut de délégation favorise le Bracassage, le défaut de responsabilisation et la fuite des meilleurs employés (voir l'article "Et si vous arrêtiez de travailler avec les Bras Cassés ?").
Et puis, je sais que je vais encore être dur, mais pour reprendre un principe de Richard Bandler, mon but ici est de vous être utile : s'il y a un fondement justifié à votre non-délégation, comme par exemple ne pas avoir de profils fiables à qui déléguer, si cela dure plus de deux semaines, c'est vous qui êtes en faute.
Travaillez sur votre peur, votre Ego et votre procrastination si besoin, sur la formulation des missions et des seuils de délégation, sur la qualité de vos recrutements, sur votre système de contrôle. Mais pour votre propre enrichissement, et l'effet en est exponentiel, déléguez.